Portrait de Sophie Le Roux
Biographie
Par Jean Delmas, Producteur radio
Sophie Le Roux, on ne la voit pas. Discrète, elle n’est pas de ces encombrants ludions qui s’imposent au spectacle et en imposent aux spectateurs du premier rang. Elle se tient à carreau, dans l’ombre, avant de prendre ses clichés toujours sans flash, bien quand il faut, pas avant ni après, avec une rigueur et une parcimonie du déclic que les prises de vue numériques frénétiques et staccato nous avaient presque faites oublier. Dans ces moments de capture, tout entière à son regard, Sophie ignore le monde. Elle travaille.
Pendant la prise de vue, Sophie est réduite à son geste, oubliant tout, même la musique pendant l’instant fugace où son propre regard fixe celui du musicien, son geste, sa joie, ses angoisses. Le batteur Daniel Humair s’enfonce l’index dans la tempe et s’interroge sur ce qui s’y passe. Le guitariste Jim Hall, bouleversant magicien de l’harmonie, observe sa coupable main gauche avec le regard tranquille et rigoureux d’un chirurgien qui s’apprête à innover dangereusement. Salvador, malicieux, porte sa main en pavillon sur l’oreille, se demandant si c’est bien vrai qu’il est ici, face au public du Petit Journal. Encore une main gauche, celle de Michel Petrucciani, levée sur le clavier en contre jour, le sourire tranquille d’un artiste à son sommet.
C’est dans les années 80 que Sophie découvre la vérité des images et la rigueur créative. elle commence à buriner son œuvre dans les clubs de jazz parisiens.
C’est ainsi qu’en 1984 au Petit Journal, Sophie photographie la chanteuse Elisabeth Caumont avec un Spotmatic chargé d’un film HP5 et qu’elle s’engage dans la photographie de spectacle. C’est dans ce club et au New Morning, deux lieux de spectacle dont elle est aujourd’hui la mémoire vivante, que, montrant ses images à Claude Nougaro, Michel Petrucciani, Henri Salvador ou Stéphane Grappelli, elle découvre comment partager son amour de l’image avec les artistes qu’elle photographie.
Collaborant ensuite avec le peintre Raymond Moretti à la réalisation d’une série de timbres sur les « Etoiles du Jazz » éditée en 2001 par La Poste, Sophie devient petit à petit la partenaire privilégiée des musiciens et de leurs producteurs, prenant ses images sur les scènes européennes les plus fameuses, illustrant tour à tour presse, livres, affiches, pochettes de disques, et montrant son travail dans des expositions organisées par le Théâtre de Chaillot, le Sunside-Sunset, le New Morning, la Villette, la FNAC, l’Ecole des Gobelins…
Photographe indépendante, Sophie Le Roux occupe une place de premier plan dans le monde de la photographie de spectacle. La liste des artistes figurant dans ses archives est éblouissante. Parmi les colosses du jazz et des alentours, notons par exemple :
John Abercrombie, Al Jarreau, Diana Krall, Geri Allen, Mose Allison, Marcel Azzola, Ray Barretto, BB King, George Benson, Terence Blanchard, Michael Brecker, Dee Dee Bridgewater, James Brown, Gary Burton, Bill Carrothers, Ornette Coleman, Chick Corea, Gil Evans, Stéphane Grappelli, Nile Rodgers, Johnny Griffin, Jim Hall, Herbie Hancock, Joe Henderson, Milt Jackson, Elvin Jones, Lee Konitz, Little Richard, Wynton Marsalis, John McLaughlin, Jackie McLean, Brad Mehldau, Helen Merrill, Pat Metheny, Milton Nascimento, Michel Petrucciani, Rag’n’Bone Man, Chris Potter, Tito Puente, Dewey et Joshua Redman, Sonny Rollins, John Scofield, Martial Solal, McCoy Tyner, Tony Williams, Phil Woods…